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Race Around Rwanda

  • Photo du rédacteur: Benjamin Schmetz
    Benjamin Schmetz
  • 7 mai 2024
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 mai 2024

Evènement à l’histoire récente dans le paysage de l’ultra cyclisme, la Race Around Rwanda s’est rapidement construite une réputation qui a fait de cette épreuve singulière un rendez-vous prisé par les ultra cyclistes en quête d’aventure d'exotique.  Coorganisée depuis 2020 par Matthew Brokenshire et Simon de Schutter, un britannique et un belge résidant tous deux au Rwanda, la RAR est bien plus qu’une épreuve sportive, c’est une épopée à travers ce pays de l’Afrique de l’Est, dont la richesse géographique est inégalée.

La superficie modérée du « pays aux milles collines » permet à travers cette trace de 1000 kilomètres de parcourir une majorité des coins du pays. Le Rwanda, c’est aussi le pays le plus densément peuplé d’Afrique. A vélo, cette sensation de rouler au milieu d’une fourmilière est unique, le sourire et la curiosité des Rwandais au bord de la route vous pousse littéralement à faire abstraction du dénivelé accumulé.

En quelques chiffres :

-1000 km, la distance complète

-18 000m de dénivelé positif

-40% de pistes, 60% de routes

-30% de la trace au-dessus de 2000m (temps passé de 40 à 50%)

-2852m, l’altitude maximum

-7 jours, la limite horaire

Les fameuses casquettes courses fabriquées à partir de tissu local

Le site d’accueil de la RaR, également lieu de départ et d’arrivée, se fait à Tugende, ce petit coin de paradis pour cyclistes au cœur d’un quartier huppé de Kigali. A Tugende vous pouvez dormir, vous dépanner au sein du magasin et de l’atelier de vélo, vous restaurer avec ces assiettes élaborées ou vous réchauffer le cœur avec un Capuccino servi par des locaux. Simon De Schutter en est le co-créateur et certainement, le développement du vélo au Rwanda et l’accueil des prochains championnats du monde UCI sur route donnent à Tugende un élan formidable. Les nombreux parcours proposés (route & gravel) sont autant d’excuses pour venir parler vélo et rencontrer d’autres amoureux de la petite reine à chacune de vos sorties.

Simon au briefing en train de mentionner les points clés du parcours © Robert Loveless

J’arrive au Rwanda le mercredi 31 janvier, le départ de la course étant le dimanche à 05:00. Posant pour la première fois les pieds en Afrique, j’ai l’intention de mettre tous ces jours à profit afin d’explorer Kigali et ses alentours. Kigali, c’est tellement aéré et vert que l’on a jamais cette impression d’être en ville. Cette succession de collines ne donne jamais de perspective entière sur la capitale entière. Plutôt une impression de traverser de quartiers en quartiers, sans grand clivage entre ceux-ci. Moi qui suis devenu anxieux à chacun de mes passages dans une ville, le temps passé à Kigali me ressource complètement avant de partir à l’assaut du pays. Je me souviendrai toujours de cette petite sortie en compagnie de Fred’ (au passage, merci pour ces bons moments), ces premiers tours de roue sur cette terre si rouge dans cette atmosphère unique. Il n’y a pas de mots, que des sensations.

Lors d'une traversée de village on décide de rechercher de l'eau, une sortie de mise en condition avec ce qui nous attend. Ici, on ne peut boire que de l'eau en bouteille.


Une commande d'eau express et un vélo typiquement local : fixie et porte-bagage

La RaR, c’est également très hétéroclite. Plus de 20 nationalités pour 100 concurrents (places limitées), les rencontres sont riches, l’aide entre participants est réelle. Une collecte de d’équipements de vélo est réalisée pour être ensuite distribuée dans tous les clubs de vélos locaux. Une petite dizaine de locaux sont au départ, leur motivation est décuplée.


La liste du matériel que j'emporte est longue et pas très charmante. Je peux par contre vous lister ce que j'ai emporté en plus par rapport à un évènement en Europe : bombe anti-moustique, deux pattes de dérailleurs, plus de matériel de réparation (3 chambres, kit mèche, colle,...), plus de nourriture variée, une capacité d'eau accrue (2,5L) et des Franc rwandais, la carte bancaire sera peut utile. La trace est chargée dans mon GPS + ma montre + mes 2 téléphones, j'ai de quoi voir venir. Le choix des manches longues est judicieux, le corps dépense une énergie folle sous le soleil et c'est toujours une meilleure protection que la crème solaire. Le trèfle et le 2 de cœur sont les portes-bonheur de liaison avec mes proches.


Echantillon non exhaustif du matériel emporté

Dimanche 05 :00 le départ est donné et la police nous escorte pour sortir de Kigali. Le soleil tarde à se lever, les lampes restent allumées. Comme d’habitude je suis juste heureux de démarrer. Des semaines à se préparer, à un moment « il faut bien y aller ». Un gros secteur pavé permet de nous écrémer un peu mais il faut attendre le kilomètre 20 pour que la RaR débute vraiment. Cette anecdote amusante, Simon nous avait indiqué au briefing que le « drafting » était autorisé jusqu’à ce premier tronçon. A la sortie de Kigali, un camion nous dépasse, un camarade Allemand (Michael) fonce dans l’aspiration. Je plonge dans la roue, nous voilà en tête, les poursuivants même plus à vue. On attaque la partie gravel en tête et en rigolant, quel chouette moment pour se déverrouiller les jambes. La première partie se fera au milieu de la brume et des rizières, une sortie d'ouate nous entoure, comme pour nous réconforter.

Un concurrent au milieu des rizières, le décors des premiers 200 kilomètres © Matt Grayson

Le Rwanda est un pays en plein boom économique et son réseau routier est une des ses priorités. Chaque année, le tarmac est de plus en plus présent mais hormis les connexions entre les différentes villes, le Rwanda demeure une véritable terre de gravel. Ce qui m’a le plus marqué et ce que je veux vous partager, ce sont ces longs secteurs gravel, entre 20 et 80km. Contrairement à l’Europe, plus en alternance de route/pistes, les 9 secteurs gravel présents sur cette RaR étaient autant de points de départs pour plusieurs heures consécutives en off-road. Parfois engagé, souvent cassant à la limite du MTB, parfois roulant.


Les tronçons gravel annoncés, au nombre de 9

Le CP1 arrive relativement vite, au kilomètre 180 en bordure du Lac Mahuzi et à la sortie d’un long secteur gravel de 77km. Ce fût le secteur le plus roulant, un véritable régal où il a suffi du mettre du braquet et d’enrouler pour avancer à bonne vitesse. A chacun des 4 "checkpoints" répartis sur la trace, un petit souvenir du Rwanda. Je choisis ce petit éléphant porte-clé, espérons qu’il me porte chance pour la suite.

La première après-midi sur le vélo me rappelle vite que je suis en Afrique. Une chaleur intense vient me cogner et je mets de suite en place mon protocole chaleur, une hydratation accrue et des arrêts à chaque heure pour se badigeonner de crème solaire. Fabian, un autre allemand me rejoint sur un secteur roulant et sa compagnie m’est plus qu’agréable. Son faciès particulier, plein de bonhommie, m’est contagieux.

Le plein d'eau en compagnie de Fabian. Au Rwanda pas de devanture commerciale, il faut s'arrêter et demander ©Robert Loveless

C’est ensemble que l’on basculera en « mode nuit », à la sortie d’un village. Objet de toutes leur curiosité, les Rwandais reculent à l’allumage de nos frontales, une découverte pour eux. Ils nous guettent quitter le village et se lancer en pleine forêt, j’ignore le fond de leur pensée mais un mélange d’incrédulité et de rire devait les habiter.

CP2, on y est ! Le dernier secteur gravel, le fameux « Volcanoes Edge » est derrière. Des pierres volcaniques, pas loin du point touristique où l’on peut aller voir les gorilles, l’organisation nous avait prévenu, ça tabasse et heureusement que ça monte !

Il est passé minuit, 385km, 20h de selle et 5700m de dénivelé, j’opte pour l’option dîner/chambre.


Riz-poulet frit à 00:30 après 385 kilomètres de gravel, vous dites oui ?

La course est encore longue, les portions descendantes en gravel sont techniques, cela requiert d'autant plus de concentration. Ma stratégie est claire et je m’y attelle, « sleep hard-ride fast ». Je sais aussi que j’en ai besoin et sur ce point nous ne sommes pas tous égaux. 4h30 plus tard, le petit-dej’ vite avalé, c’est reparti.

La suite est très montagneuse mais tout aussi majestueuse. Après avoir franchi le sommet de la course, 2852m d’altitude, nous basculons pour une longue descente sur Gisenyi, on bifurque à gauche devant le poste frontière de la République Démocratique du Congo. Devant moi, le Lake Kivu ! A la vue de son horizon que rien ne différencie d’une mer, je décide de m’offrir un lunch en terrasse. Il y aura plus tard très peu d’occasions de se réalimenter, j'opte pour une surcharge anticipative, 3 plats commandés et surtout un frites-avocat qui me fait encore saliver à l’heure d’écrire ces lignes.

J'ai pris cette photo à quelques mètres du fameux pic à 2852m d'altitude

Le Rwanda c’est aussi une météorologie particulière et si on avait été épargné jusque là, c’est l’orage et la pluie qui m’offre des contrastes de couleurs insolites lors de cette nouvelle ascension vers 2200m. Des enfants écoliers pieds nus sur la route m’accompagnent en chantant, la sensation de planer est réelle. Je n’ai pas de moyen de communication pour les remercier mais les sourires sur leurs visages sont des gouttes de bonheur qui ruissèlent sur ma carcasse de cycliste. Certains s’accrochent à ma sacoche arrière, ça grimpe à 10%, je ne leur en tiens même pas rigueur. Tout au long des 1000 kilomètres, je n’ai d’ailleurs rencontré que de la curiosité, des sourires et de la simplicité. Je ne vais pas dire que tout était rose mais ces trois qualificatifs étaient permanents, partout, tout le temps. A chaque village, je rencontrais de choses tellement insolites : des outils, des vélos (fixies uniquement) surchargés, des véhicules, des façons de travailler dans les champs,… Ma manière de les respecter a été de ne pas tout photographier, plutôt de les saluer en toute simplicité.

Le seul vélo à vitesse que j'ai croisé ! A 2200m d'altitude, il était "facile". C'était le vélo de sa "company" © Robert Loveless

Le CP3 nous accueille en bordure du lac Kivu. On aura finalement parcouru les rives du lac du Nord au Sud, avec deux longues ascensions pour rentrer dans les terres et retourner vers celui-ci. Le soleil se couche, je suis au bout de la deuxième journée. L’endroit donne envie de se détendre un long moment, mais je décide de repartir vite après avoir fait le plein de nourritures. C’est à partir de ce moment que je rentre véritablement en mode « course ».  Le podium n’est pas loin, le physique suit plutôt bien, ça vaut la peine de pousser le moteur.

Je me lance de nuit dans le secteur le plus critique, « Gisovu Tea », ses 66km/1800m d+, mais surtout un secteur à travers les plantations de thé et la forêt sans aucun réseau, où le GPS perd le signal en raison des hauts arbres qui forment une couche de protection. C’est dur, c’est long, je décide de ne jamais m’arrêter, d’avancer quoiqu’il en soit. Les éléments me rendent un zeste plus prudent, je sais qu'en cas de pépin je ne peux compter que sur moi. Vers 02h00 du matin, je sors de secteur pour rejoindre la route. Les nombreuses manœuvres militaires me rendent hésitant, que fait ce cycliste à la peau blanche en pleine nuit ici ? L’organisation avait prévenu l’armée et la police, j’avance sans problème. Je m’arrête à une pension en bordure de route, il est 3H30, j’ai roulé 285km et 6000m de dénivelé depuis le matin précédant. Un kilométrage pas très élevé mais le terrain rencontré fût on ne peut plus challengeant.


Mes deux réveils sonnent de concert à 06h30, 3h de sommeil en plus. Avec la fatigue profonde je mets un petit moment à me rappeler qui je suis, où je suis et ce que je fais. Un café et un cake à la vanille gentiment préparé par mon hôte, je repars déterminé.

Je suis au kilomètre 670, une dernière longue ascension jusqu’à 2500m s'impose d'entrée de jeu.

Au-dessus pas de bascule mais de longs plateaux entre 2200m et 2500m, je reste plusieurs heures là-haut, le manque d’oxygène me coupe les jambes. Des patrouilles militaires à n’en plus finir jouxtent la route. Je lève la main pour les saluer et détendre l’atmosphère à ma façon. La frontière avec l’Ouganda est toutes proches et la forêt regorge de singes, de nombreux gardes surveillent les routes pour éviter les vols de ces animaux convoités.

Une rencontre locale

Plus loin sur la route, deux chimpanzés montrent le bout de leur nez, je n'ai pas le temps de saisir mon appareil photo ! Je me dis que personne ne va me croire. Ce n'était qu'un préambule, je suis béni de cette rencontre singulière avec une dizaine de babouins sortis de la forêt. Je suis euphorique, quelques photos, mais rapidement je file, je ne me sens plus en sécurité au fur et à mesure que de nombreux autres babouins foncent vers moi.


Ce 3e jour, je consolide solidement ce podium. J’ai à mes trousses un duo polonais, un allemand et un coureur local. Devant, ce sont deux coureurs kényans qui ont fait un trou d’une centaine de kilomètre, sur une stratégie antagoniste à la mienne, sans sommeil.


J'ai un problème mineur à gérer. Je n'ai pu payer ma chambre qu'avec du cash, me voilà avec 7000 Francs rwandais restants, soit 5€. Je n'ai aucune ville en approche, aucun retrait d'argent n'est possible sur mon chemin. Une chaleur écrasante est annoncée, je dois garder ce joker le plus longtemps possible pour recharger en eau. C'est vers 14h, en plein cagnard que je m'achèterai un coca et 2 bouteilles d'eau. Je gère la journée en me sous-alimentant, gérant mon stock de nourriture pour continuer à avancer.


La partie qui m’a été la plus resplendissante visuellement arrive. Des mélanges de couleurs uniques. Ces plantations de thé dont le vert, fluo dans la nuit et intense en journée me plongent dans un décors d’Avatar. En contraste une piste jaune, parfois rouge, tantôt caillouteuse tantôt lisse. Chaque virage est une ode au gravel et à la découverte. Chaque mont franchi offre une nouvelle perspective, je vis cela dans une allégresse qui me fait oublier la douleur et la fatigue.

Des plantations de thé à perte de vue et une piste qui permet le passage des camions pour la récolte © Robert Loveless

Butare, c’est au sein de cette ville dénuée de tout charme que se trouve le dernier check point, le CP4.

Le 3e retrait d'argent que je trouve fonctionne enfin. Comme la veille au CP3, j’arrive au coucher du soleil. C’est une transition parfaite et fructueuse, je peux d’un seul coup me restaurer et préparer la nuit, ce qui implique d’équiper mes éclairages et d’adapter mon équipement à la fraîcheur de la nuit. Même s’il les températures ne chutent pas, la profonde fatigue accentue toutes les sensations, et le froid peut en être une. Si vous en êtes saisi, la lutte contre le sommeil s'avère être encore plus ardue.

Ma priorité est d'abord de me nourrir et m'hydrater, mon corps en a grandement besoin.


J’apprends que je suis 2e. Un des deux concurrents a fait une erreur monumentale, voilà ce qui peut arriver quand on ne dort pas pendant plus de 48h. Ma stratégie de patience est payante. Il est 19h00 et après 62h de course j’ai dormi 7h30, roulé 824 kilomètres et grimpé 15 000m de dénivelé. Que faire ? J’ignore si je vais repartir sans dormir, il me reste à rouler une portion pas anodine de 180km et 2000m de d+. Un des photographes courses est là, sa simple présence et le fait de discuter me fait du bien. Il me questionne sur ce que je vais faire. « Maybe I will go now to finish ». Ses yeux sont ébahis, il me déconseille de me lancer de nuit après un tel effort. Il sait de quoi il parle, lui-même participant de l'édition 2023. Après m’être allongé 45 minutes, l’excitation du résultat et l’envie envoie à mon cerveau l’adrénaline nécessaire pour attaquer la fin. Surmotivé, je sors le joker : mes écouteurs et une playlist à faire décoller les éléphants.


Je m’offre une dernière nuit épique dans un noir absolu que je n’avais jamais rencontré en Europe. La nuit me ressource, seul face à moi-même, moi le grand solitaire. J'ai toujours adoré rouler de nuit, les sens y sont différents, la vue, les odeurs, les bruits. C'est pourquoi, sauf en cas de grosse fatigue, j'évite la musique. Je m'émerveille devant tout ce que je vois où à contrario, à deviner ce qui ne m'est pas visible.

Je traverse cette ancienne jungle, une partie où autrefois gambadaient les éléphants, aujourd’hui déplacés dans le parc naturel à l’Est du Rwanda. Je me rapproche doucement de Kigali après un dernier long secteur gravel. Quelques pépins mécaniques à surmonter, la transmission est juste saturée de boue. Un nettoyage express et tout se remet en place.

La délivrance, elle vient vers 04h00 du matin lorsque sortent ces matinaux rwandais qui vont travailler. je les prends comme une compagnie qui se joint à moi pour terminer. Une dernière grimpette de sept kilomètres avant Kigali, un rwandais qui pédale sur un fixie en acier chargé de deux fûts de lait de 10L s’accroche dans ma roue. Je ne me dis pas que je n’avance plus, sa présence m’est réconfortante.

06h14, Tugende, Simon, quelques membres de la team sont là pour m’accueillir, en 2e position et après quelques 73h14’ (53h20 de déplacement).

Au finish, des petits yeux mais le moral est là !

Tout s’arrête et tout a été tellement vite. Cette impression de retirer mon casque de vision 3D est réelle. Je retrouve ma chambre, quelques heures de sommeil, je dois dire à mon cerveau qu’il ne faut plus pédaler, il en est presque déboussolé.

Question boussole, j’ai trouvé le chemin du Rwanda et il est fort à parier que j’y retournerai.


Merci le Rwanda


Benja

 

 

 

 

 

 
 
 

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